L’ITAA place les experts-comptables au centre des priorités

L’ITAA, ou Institute for Tax Advisors & Accountants (Institut des Conseillers fiscaux et des Experts-comptables), veut se rapprocher de ses membres et les soutenir autant que possible. Les experts-comptables ne peuvent que s’en réjouir. Pour comprendre en quoi il diffère des instituts qui l’ont précédé, nous nous sommes adressés à Bart Van Coile, le président de l’ITAA. De fait, un vent de nouveauté souffle sur le boulevard Émile Jacqmain. Le mois dernier, les membres du Conseil ont écouté les préoccupations des experts-comptables et des conseillers fiscaux au cours de séances de questions-réponses. La plupart des bureaux d’experts-comptables n’ont pas été épargnés par la crise actuelle.


“Le coronavirus a vraiment changé la donne dans le secteur comptable”, commente Bart Van Coile. “Il y a eu une accélération incroyable de la numérisation. Malheureusement, de nombreux entrepreneurs font maintenant face à des difficultés financières et il faut espérer que cela ne se répercutera pas sur la trésorerie des bureaux d’experts-comptables.” Nous avons fait le point dans un entretien passionnant.




De nombreux experts-comptables ont constaté comme moi que leur institut professionnel se renouvelait. Puis-je féliciter l’ITAA pour sa bonne communication pendant la crise du coronavirus, avec les flash COVID-19, la brochure dédiée au coronavirus et la création du bel ITAA-zine ?


Le hasard a voulu que nous déployions notre stratégie de communication au moment où la crise du coronavirus s’est déclenchée. Pour la brochure dédiée au coronavirus, nous avons dû faire appel à des renforts. En cette période exceptionnelle, l’institut a plus que jamais l’opportunité de soutenir ses membres.


Si vous demandez à un expert-comptable s’il est fier de son métier, il vous répondra par un oui retentissant. En revanche, si vous lui demandez ce qu’il pense de son institut, sa réponse sera un peu moins positive. Avec les membres du Conseil, j’aimerais y remédier. Nous avons l’occasion d’écrire un nouveau chapitre de notre histoire. Dorénavant, les membres doivent être au centre des priorités.



Actuellement, plus de 1.000 bureaux d’experts-comptables utilisent déjà la plateforme de facturation Billtobox. Pouvez-vous nous rappeler pourquoi l’ITAA a lancé cette plateforme ?


C’est très simple. Un institut professionnel a aussi un rôle social à remplir. Il y a quelques années, le gouvernement nous a confié la mission d’inciter les bureaux d’experts-comptables et les entreprises à numériser davantage leurs échanges. À ce moment-là (et c’est encore souvent le cas aujourd’hui), les factures étaient toujours remises dans la fameuse boîte à chaussures.


Or, dans un monde numérique, la facture n’est plus qu’une connexion, une ligne du trajet virtuel entre l’acheteur et le vendeur. C’en est fini des piles de papiers qui s’amoncellent sur votre bureau. Mais alors, qui prend en charge la facture ? Qui peut connecter toutes les entreprises entre elles ? Qui est indépendant et peut garantir que les données sont protégées par le secret professionnel ? C’est l’expert-comptable ! Nous devons conserver la gestion des flux.


C’est pourquoi nous nous sommes mis à la recherche d’un tiers (Unifiedpost Group) qui pourrait développer le logiciel pour nous. Entreprendre un tel projet en interne serait hors de prix. Tout le monde a voulu y voir une réflexion commerciale, mais nous tenions avant tout à ce que le logiciel soit mis gratuitement à la disposition de nos membres.


Actuellement, les e-mails sont le concurrent principal de Billtobox. Par ce canal, on envoie simplement un PDF de la facture. Bien entendu, il y a beaucoup plus efficace. Sur la plateforme Billtobox, un entrepreneur peut créer, envoyer et recevoir une facture et l’archiver et la partager automatiquement avec son expert-comptable depuis son ordinateur portable, son smartphone ou sa tablette. Toutes les factures sont converties au format UBL. Ajoutez-y un module de paiement et la boucle est bouclée. Les institutions financières participeront donc également à ce projet.


L’ITAA est et reste propriétaire de la plateforme Billtobox, ce qui nous permet de garantir que les données ne seront pas utilisées à d’autres fins. Ce qu’il faut éviter, c’est que les experts-comptables doivent encore payer pour recevoir la facture, comme c’est le cas aujourd’hui pour les relevés de compte bancaire. En échange, le développeur a le droit de faire une proposition pour le trafic de paiement.



Depuis lors, cette initiative a fait des émules, notamment avec l’organisation française ECMA (Expert-Comptable Media Association). Peut-on envisager une approche plus globale à l’échelle européenne ? La France constitue une étape importante pour le déploiement futur de la facturation électronique dans toute l’Europe.


En France, quelque 20.000 experts-comptables desservent la grande majorité des 1.200.000 PME et indépendants. En outre, des discussions sont en cours avec l’Allemagne, l’Italie et même la Tunisie. On me demande souvent si c’est le rôle que nous devons jouer. Je pense que oui. Par exemple, aux Pays-Bas, la facturation électronique n’en est encore qu’à ses débuts. C’est principalement parce que l’association professionnelle locale ne prend pas les choses en mains.



L’ITAA mène encore deux autres initiatives : BeExcellent.be et eStox. Tous les experts-comptables s’intéressent-ils déjà à ces plateformes ?


BeExcellent a été créée à la suite des obligations découlant de la loi anti-blanchiment. La plateforme propose un soutien efficace pour l’organisation des bureaux d’experts-comptables. Vous pouvez gérer des manuels et des documents dans cet environnement.


eStox est une collaboration entre notaires, experts-comptables et conseillers fiscaux. Le registre des actions est un instrument indispensable à toute société. Or, il peut arriver que la version papier se perde, auquel cas un registre en ligne est la meilleure solution pour toutes les parties. Le registre est utilisé à chaque fois que les administrateurs et les actionnaires doivent se réunir, par exemple à l’assemblée générale annuelle, mais aussi en cas de modification des statuts. Il n’est pas nécessaire de le proposer gratuitement au client. Vous pourriez commencer par l’enregistrement des nouveaux clients. Les banques aussi souhaitent participer à l’avenir.



La Cour de justice de l’Union européenne a déclaré que la Belgique ne pouvait pas interdire aux comptables de cumuler leur fonction avec l’exercice d’une activité professionnelle de banquier, de courtier en assurances ou d’agent immobilier. La réglementation actuelle de l’ITAA est-elle en défaut ?


L’arrêt ne dit pas que “désormais, tous les experts-comptables peuvent vendre des assurances”. Mais il est exact que l’institut ne peut pas l’interdire de façon absolue. On passe d’une approche fondée sur des règles à une approche fondée sur le risque.


Au lieu de suivre des règles édictées par l’institut, en tant que bureau, vous devrez désormais estimer et documenter vous-même les risques à l'avance. Si vous commettez une erreur, ce sera au juge de trancher. Je trouve que c’est dommage. Les petits bureaux n’ont pas le temps de procéder systématiquement à une analyse des risques pour chaque client afin d’être conformes à la législation anti-blanchiment. Ils veulent se consacrer à leur profession et pas à ce fardeau administratif.


Pour répondre à votre question, il en va de même pour les assurances. En tant qu’institut, nous ne pouvons pas vous interdire d’exercer cette activité. Imaginons qu’en tant qu’expert-comptable, je fonde aussi une société qui vend des assurances. En ai-je le droit ? Mon indépendance est-elle compromise ? Si je sers le même client, oui, c’est un problème. Supposons maintenant que je veuille vendre des glaces, par exemple : est-ce que je peux ? Bien sûr, car cela n’a rien à voir avec ma profession. Le secret professionnel est respecté. Auparavant, presque rien n’était autorisé, tout le monde était soumis aux mêmes règles déontologiques strictes.


La déontologie de l’arrêté royal devra clarifier ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Bien entendu, l’ITAA vous fournira un accompagnement et des conseils à cet égard. On aura alors trois types d’activités :

  • l’activité d’expert-comptable,
  • les activités complémentaires apparentées à la profession d’expert-comptable, comme le conseil juridique, la planification financière, les droits de succession ou le droit successoral,
  • et, enfin, les activités comme la vente de vos glaces.


Vous avez déjà indiqué qu’actuellement, les experts-comptables doivent consacrer beaucoup de temps à toutes sortes d’obligations, comme la LCE, la législation anti-blanchiment, le registre UBO… Il reste peu de temps pour mener de véritables entretiens conseil. Les experts-comptables n’ont-ils pas trop de responsabilités aujourd’hui, dans la mesure où l’on peut s’attendre à ce que les entrepreneurs respectent la législation ? L’ITAA peut-il faire quelque chose à cet égard ?


Si nous ne remplissions pas bien notre rôle à ce niveau, l’Institut risquerait de céder sa fonction de contrôle aux pouvoirs publics. Il va de soi que l’entrepreneur est responsable, mais nous le sommes aussi.


Notre profession nous impose de réconcilier l’intérêt public et l’intérêt de notre client. Et ce n’est pas toujours facile. Notre société ne tolère plus l’argent sale et la fraude sociale. Si un client franchit les limites, nous avons une obligation de déclaration.


Un deuxième élément important à prendre en compte concerne le droit de l’insolvabilité. Lorsqu’un client éprouve des difficultés financières, de nombreux experts-comptables interviennent trop tard. Osez dire à votre client que ses affaires vont mal. D’ailleurs, les recherches indiquent que les entrepreneurs veulent que leur expert-comptable intervienne à temps.



Selon vous, les petits bureaux devraient pouvoir continuer à veiller au respect de toutes ces réglementations ?


Si vous facturez un tarif horaire ou un service à votre client, vous devez tenir compte du temps que vous consacrez aux obligations juridiques. Si vous ne le faites pas, c’est que vous devez revoir votre philosophie de base.


En tant que petit bureau, vous pouvez peut-être envisager de collaborer avec l’un de vos confrères. C’est incroyable, la quantité de choses que nous devons connaître et savoir faire ! C’est un travail formidable, mais il faut être prêt à suivre de longues études. Et maintenant, je vous entends dire que nous devrions aussi nous occuper d’assurances (rires). Nous avons tous nos limites, or notre société est complexe et la législation reflète cette complexité.


C’est pourquoi il me semble avisé de mettre plusieurs connaissances spécialisées en commun. Est-ce à dire que le bureau individuel n’est plus viable ? Si, mais alors, mieux vaut peut-être se choisir une spécialité.



Vous parliez de tarifs : ne serait-il pas pratique que l’institut fixe un tarif de base ?


Il est interdit d’imposer des tarifs minimum, tout comme des tarifs indicatifs, d’ailleurs. L’Europe l’interdit formellement. Les experts-comptables ne peuvent pas non plus s’entendre pour fixer des prix.



En cette période exceptionnelle, les experts-comptables ont non seulement découvert la facilité du travail à domicile, mais se sont aussi mis à regarder des webinaires en masse. Jusqu’à la fin de l’année, les experts-comptables peuvent tous suivre des webinaires pour remplir leurs heures de formation obligatoires. Cette mesure sera-t-elle maintenue à l’avenir ?


Le Conseil a approuvé une norme qui va maintenant être soumise au Haut Conseil. Il serait absurde de ne pas la soutenir. Mais j’espère que nous aboutirons à un savant mélange de formations en ligne et hors ligne. Le contact humain est ce qui m’a le plus manqué au cours de cette période. Dans le monde physique, on peut nouer de belles amitiés.


La fusion devrait être complète le 1er octobre. Bonne chance, Bart !




Danny De Pourcq