Le temps de l’inspiration est révolu
Glenn Vandamme de Finplex aborde la numérisation et l’automatisation dans le secteur de la comptabilité
Il y a quelques mois, Danny De Pourcq, sales director chez Xerius, a rencontré Glenn Vandamme lors de l’événement inaugural de la Startup Survival Masterclass. Lorsque il lui a demandé ce que fait exactement Finplex, il m’a expliqué que son but était d’aider les comptables et les experts-comptables à réaliser leur transformation numérique de manière indépendante. C’est précisément ce que le monde (de la comptabilité) cherchait depuis un certain temps : quelqu’un qui les aide à prendre les bonnes décisions dans le domaine du numérique. Ces dernières années, les comptables et les experts-comptables ont fréquenté de nombreux vendeurs de logiciels, chacun ayant bien sûr la meilleure solution … C’est ce qu’on appelle la pression du choix. Pour Glenn, la transformation numérique ne réside pas dans le choix de l’un ou l’autre logiciel, mais bien dans la chaîne des processus, des technologies et surtout des personnes.
Dans une autre vie, Glenn Vandamme a visité plus de 400 cabinets d’experts-comptables pour le compte d’une société de logiciels qui commercialise des solutions de gestion des flux de documents numériques. Ensuite, il a participé au déploiement d’une stratégie numérique dans l’un de ces cabinets. Ce n’était pas toujours facile, mais c’était très instructif. Par la suite, motivé par la frustration de ne pouvoir proposer qu’une partie de la solution en tant que fournisseur de logiciels et fort des connaissances et de l’expérience qu’il a acquises au cours de ce trajet de transformation au sein d’un cabinet d’experts-comptables, il s’est associé à deux autres jeunes loups pour fonder Finplex.
Glenn, pouvez-vous nous donner une idée de la situation actuelle du cabinet d’experts-comptables moyen dans ce monde numérique en évolution rapide ?
« Il est bien moins avancé qu’on ne le pense. De nombreux cabinets ne savent pas par où aller, ni où trouver le temps de s’attaquer à cette fameuse transition numérique. J’ai aussi remarqué un fonctionnement à deux vitesses. Les grands cabinets prennent bel et bien des décisions – quant à savoir si ce sont toujours les bonnes, je ne me prononcerai pas; et il y a aussi de petits cabinets qui sont vraiment des précurseurs et qui évoluent peut-être encore plus vite que les grands. Entre les deux, il y a un groupe très important, que j’estime à 70% du total, qui ont pris des initiatives plus modestes, comme l’utilisation de fichiers Coda, et ont ainsi immédiatement gagné beaucoup de temps. Cependant, bon nombre de ces cabinets tâtonnent encore, voire ont interrompu leur recherche de bonnes solutions, parce qu’ils ne savent plus comment faire ou sont découragés ».
Par où commencer, quand on n’a encore rien ou presque rien fait ?
« Il faut d’abord développer une vision pour l’avenir. Cette vision sera propre à chaque cabinet. Un expert-comptable recherchera la valeur ajoutée pour le client, tandis que l’autre estimera que ses clients ne veulent rien de plus qu’être assurés de leur conformité légale. Aujourd’hui, les deux ont leur marché. Demandez-vous surtout : ‘Qui sont mes clients et qu’attendent-ils de moi ?’ La numérisation n’est pas une fin en soi, mais un moyen d’aider votre cabinet à atteindre ses objectifs. »
La menace vient en premier lieu de l’intérieur du secteur: les solutions de comptabilité deviennent de plus en plus intelligentes, si bien qu’à terme, les entrepreneurs pourront peut-être se charger facilement eux-mêmes de leur comptabilité.
Glenn Vandamme
Gérant de Finplex
Le processus de lancement d’un nouveau logiciel n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Comment cela se fait-il ?
« À qui la faute ? Les comptables et les experts-comptables sont peut-être plus conservateurs par nature, mais les logiciels doivent être faciles à mettre en place, simples et amusants. Et c’est à cet égard que de nombreux fournisseurs de logiciels mettent actuellement les pieds dans le plat. Un bon logiciel doit être intuitif. »
Ce qui revient aussi souvent de la part des comptables et des experts-comptables, c’est qu’ils deviennent des informaticiens…
« Pour moi, il est plus juste de dire qu’ils travaillent de plus en plus avec des outils informatiques. Non seulement le secteur de la comptabilité, mais le monde entier est en train de se numériser. La génération actuelle de comptables et d’experts-comptables est probablement la dernière à connaître les méthodes traditionnelles de la comptabilité. Les étudiants en comptabilité d’aujourd’hui, qui quitteront bientôt les bancs de l’école, s’appuieront entièrement sur des chiffres automatiquement générés par le système. Pour réaliser des gains d’efficacité, il faut intégrer ces changements technologiques; mais leur combinaison avec les connaissances ‘artisanales’ constitue un énorme atout que davantage de cabinets devraient mettre en valeur. »
Comment puis-je encourager mes collaborateurs à adopter le numérique ?
« Avant de pouvoir sauter définitivement le pas, vous devez avoir suffisamment de soutien au sein du cabinet. Et je constate qu’en général, c’est là que le bât blesse. Le logiciel est choisi sans que les collaborateurs soient impliqués dans le processus de décision. C’est pourtant nécessaire, car après tout, ce sont eux qui devront s’en servir. »
La numérisation et l’automatisation ont un prix. Peut-on le répercuter sur les clients ?
« L’acquisition d’un logiciel en interne n’est certainement pas bon marché, mais l’efficacité qui en résulte vous fera aussi gagner du temps et donc de l’argent. Pourquoi ne pourriez-vous pas répercuter le prix de revient d’un logiciel sur vos clients, s’il leur apporte une plus-value ? De plus en plus d’entrepreneurs veulent avoir un aperçu en temps réel de leurs chiffres. »
Vous le pensez vraiment ?
« Les jeunes entreprises sont devenues d’avides consommatrices de données et prennent leurs décisions sur cette base. Je m’aperçois que de nombreuses PME ne s’y intéressent pas encore. Ne pas payer trop d’impôts, c’est important. Ici aussi, il y a donc ce grand contraste. Si votre modèle est basé sur le service et que votre logiciel le reprend (en partie), vous devrez en répercuter les coûts sur vos clients, sans quoi votre marge se réduira. »
On entend souvent des scénarios apocalyptiques annonçant la disparition des comptables et des experts-comptables, mais en même temps, tout le monde se plaint d’avoir trop de travail. Et de qui ou de quoi les comptables ou les experts-comptables devraient-ils avoir peur ?
« C’est le paradoxe. Et je dois en revenir au secteur de la comptabilité à deux vitesses : les cabinets ont peur les uns des autres. Si vous ne faites rien ou si vous en faites trop peu, vous aurez encore du travail pendant 5 ou 10 ans, mais vous serez bientôt mis sur la touche par ceux qui auront pleinement joué la carte de la numérisation. La menace vient donc en premier lieu de l’intérieur du secteur. Par ailleurs, les solutions de comptabilité deviennent de plus en plus intelligentes, si bien qu’à terme, les entrepreneurs pourront peut-être se charger facilement eux-mêmes de leur comptabilité. Et certaines entreprises multiplient les casquettes et empiètent ainsi sur le terrain du comptable ou de l’expert-comptable. Prenons par exemple les banques, qui sont également en train d’élargir leur offre. Faut-il pour autant les considérer comme une menace pour les comptables ? Je ne le crois pas, car elles aussi font face à des temps difficiles. En fin de compte, l’expert-comptable demeure plus que jamais la personne de confiance de l’entrepreneur. »
Pour l’instant, ce n’est donc pas le travail qui manque. Pourtant, de nombreux cabinets me disent qu’ils ont du mal à trouver de nouvelles recrues. À quoi cela est-il dû ?
« Beaucoup d’experts-comptables n’ont même pas de site Web ou ne sont pas présents sur les réseaux sociaux. Or ce que les étudiants en dernière année de comptabilité ne manquent pas de faire, c’est de visiter votre site ou de consulter votre profil sur LinkedIn. Si vous n’en avez pas ou que vous êtes introuvable, vous n’existez pas. En outre, il faudrait peut-être envisager d’attirer d’autres profils, car ce sont précisément eux qui pourront contribuer à élargir l’éventail des services de conseil. »
Les grands cabinets ont peut-être plus de ressources pour mettre en œuvre un processus de changement, mais que faire en tant que (plus) petit cabinet ?
« Les grands acteurs visent les reprises, mais la plupart des cabinets ne veulent pas être repris. Chez Finplex, nous souhaitons donc relier les cabinets entre eux. À cet égard, nous voulons surtout jouer un rôle de facilitateur pour l’échange des connaissances et des meilleures pratiques. De nombreux cabinets ont peur les uns des autres, mais tous sont submergés de travail. Nous croyons au principe du transfert de connaissances, car c’est la seule manière pour tous les cabinets d’aller de l’avant. »
En tant que (plus) petit cabinet, puis-je rivaliser avec les grands noms ?
« On entend souvent dire qu’un petit cabinet n’est pas de taille à tenir tête aux gros acteurs. Or je remarque parfois l’inverse : il arrive que des cabinets comptant 5 à 10 collaborateurs sont plus avancés. Ce n’est pas parce qu’ils sont plus agiles. C’est plutôt un avantage des logiciels dans le cloud : puisque vous payez en fonction de votre utilisation, les règles du jeu sont équitables à ce niveau, que vous soyez un grand ou un petit cabinet. »
Le comptable ou l’expert-comptable actuel devient un conseiller. Ne l’a-t-il pas toujours été ?
« C’est vrai, mais il s’agit ici d’un élargissement de ses services. Quel élargissement, alors ? C’est difficile à définir. Un client est-il prêt à payer pour un service qu’il n’a pas demandé ? Si quelque chose se passe mal, il aurait alors voulu que son comptable fasse preuve de proactivité. À cet effet, il faut aussi avoir les ressources, les personnes, les connaissances et le savoir-faire nécessaires en interne. La transition vers un nouveau modèle commercial n’a pas encore eu lieu : il y a trop peu de profils exotiques dans les cabinets de comptabilité. »
Comment trouver le temps de travailler à son cabinet du futur ?
« C’est un peu comme dans une bande dessinée que j’ai vue récemment, représentant deux personnages qui portent une lourde planche. En chemin, ils rencontrent quelqu’un qui a fabriqué une charrette. Mais ils n’ont pas le temps de s’y arrêter et continuent à avancer… S’arrêter, analyser ce qu’on fait, puis reprendre sa route : chez Finplex, nous aidons les experts-comptables à mener à bien ce processus. Nous nous efforçons aussi d’engranger immédiatement des gains rapides. Les petites victoires augmentent la motivation pour passer à l’étape suivante. En revanche, faire les mauvais choix peut coûter beaucoup de temps et d’argent – et pire encore, cela peut entraîner la démotivation des collaborateurs. »
Les comptables et les experts-comptables veulent bien se numériser, mais leurs clients ne veulent pas suivre. Quelle est votre expérience à ce niveau ?
« Finplex accompagne déjà plusieurs cabinets. Quand on parle avec leurs clients, il semble que c’est tout le contraire. Bien sûr, il y a toujours ceux qui veulent continuer à remettre la traditionnelle boîte à chaussures. Le cabinet doit alors se demander s’il vaut la peine de freiner sa croissance pour ces clients. Je ne comprends pas non plus qu’il y ait encore des gens qui veulent faire la file pour rentrer leurs factures, alors qu’il existe tellement de solutions simples pour transmettre ses documents à son comptable par la voie numérique. Mais une chose est sûre : le temps de l’inspiration est révolu. Le moment est venu d’aller de l’avant et c’est à cela que nous voulons y contribuer, tout comme Xerius et SD Worx. »