« Les comptables n’investissent pas assez de temps dans leur propre cabinet »

Ne consacrez pas tout votre temps à aider les clients.





Dans un monde numérique, le client est vraiment au centre des priorités. À l’avenir, les cabinets de comptables et d’experts-comptables se distingueront surtout en optimisant la collaboration avec le client et en développant des services innovants.


À partir de maintenant, nous inviterons les comptables et les experts-comptables à parler de l’évolution de leur profession dans chaque bulletin d’information et à inspirer leurs collègues. Pour cette édition, nous avons eu le privilège de découvrir la cuisine intérieureles coulisses de Ge-Fibo de Brasschaat, un cabinet qui mise fortement sur la comptabilité en ligne. 


Il y a cinq ans, Dennis Geusens a repris le cabinet de Marc Geerts après y avoir débuté comme stagiaire en 2005. La numérisation commençait alors à se faire sentir dans le secteur de la comptabilité, si bien qu’il était temps de passer à l’étape suivante. En 2012, Ken Ansoms s’est joint à l’équipe pour aider à écrire ce nouveau chapitre. Peu de temps après, Difibo, le petit frère numérique de Ge-Fibo, a vu le jour : sa mission est de déployer une version 2.0 du cabinet. Difibo peut être considéré comme une petite start-up ou encore un laboratoire numérique, qui aide l’entrepreneur à améliorer l’efficacité de ses processus administratifs.


Danny De Pourcq, sales director chez Xerius: Si j’ai bien compris, Difibo est une spin-off de Ge-Fibo ?

Dennis : « C’est exact ! Pour l’instant, Difibo travaille encore entièrement pour Ge-Fibo. Difibo assure le support technique aux clients dans le cadre de l’utilisation de son logiciel, par exemple pour le téléchargement ou la création des factures. Lors du démarrage d’un nouveau client, nous investissons beaucoup de temps dans la formation et ce, à titre gratuit. Après tout, mieux le client utilise nos outils, plus c’est facile pour nous. Chez Ge-Fibo, le client paie une mensualité fixe et reçoit une fois par an une facture de Difibo pour toutes les applications logicielles qu’il utilise. Jusqu’à présent, Ge-Fibo a fait office de passerelle vers Difibo; mais à l’avenir, cela pourrait aussi être l’inverse. »

"Il y a quelque temps, nous avons aussi mené une enquête anonyme auprès de nos collaborateurs : c’est ainsi que nous avons introduit les horaires flexibles et le travail à domicile. Chez Ge-Fibo, nous voulons veiller à un bon équilibre entre le travail et la vie privée."

Qu’est-ce qui vous distingue en tant que cabinet de comptabilité ?

Dennis : « C’est surtout notre approche pragmatique, le contact personnel avec le client, le prix forfaitaire fixe et la mise à disposition d’un système de comptabilité entièrement numérique dans Yuki. Nous obtenons de très bons scores de qualité. La satisfaction du client doit être supérieure à 9, sinon, nous considérons qu’il y a un problème. Cela signifie que nous répondons aux questions des entrepreneurs dans les 24 heures et que la comptabilité en ligne est mise à jour quotidiennement. »

Ken : « En même temps, nous ne voulons pas perdre de vue l’aspect humain. Cela implique de communiquer très ouvertement et honnêtement avec le client, de lui donner la priorité. »


Qu’entendez-vous par ‘donner la priorité au client’ ? De nos jours, tout le monde dit ça.

Dennis : « En fait, nous devenons le ‘CFO’ personnel du client, un bras droit financier qui aide l’entrepreneur à prendre les bonnes décisions. Nous voulons aussi conseiller nos clients de façon plus proactive, par exemple : ‘Nous voyons que votre chiffre d’affaires a augmenté, et si vous faisiez ceci ou cela ?’. Les comptables et les experts-comptables n’assument pas encore ce rôle aujourd’hui, ou beaucoup trop peu. Ils travaillent toujours d’un trimestre à l’autre et accusent un retard de trois à quatre mois. Grâce à Yuki et à d’autres programmes, nous avons déjà pu accélérer les choses. » 

Comment décririez-vous votre culture professionnelle ?

Ken : « Je trouve que nous avons une culture forte. Tout le monde est libre d’être comme il est. Nous avons développé cette culture naturellement, en donnant des opportunités à tous et en étant très ouverts. Nous ne sommes pas un cabinet à cheval sur le costume-cravate. Nous prenons les gens comme ils sont, avec leurs forces et leurs faiblesses. Comme on passe beaucoup de temps avec ses collègues, il est important de créer un endroit où il fait bon travailler et où tout le monde se sent chez soi. »

Dennis : « Pas de structure hiérarchique pyramidale, mais plutôt une pyramide renversée. Les collaborateurs qui ont de bonnes idées peuvent les appliquer, du moins, si elles sont faisables. Tout le monde peut prendre ses responsabilités, mais doit aussi les assumer. Ici, vous pouvez passer de stagiaire à responsable de dossier, quel que soit votre âge. » 

Ken : « Nos collaborateurs sont en première ligne, en contact direct avec le client. »

Dennis : « Auparavant, les clients passaient d’abord par moi. Maintenant, ils s’adressent directement à leur interlocuteur permanent potentiel, qui les guide de A à Z à travers l’ensemble du processus de démarrage. Il y a quelque temps, nous avons aussi mené une enquête anonyme auprès de nos collaborateurs : c’est ainsi que nous avons introduit les horaires flexibles et le travail à domicile. Chez Ge-Fibo, nous voulons veiller à un bon équilibre entre le travail et la vie privée. C’est ainsi que nous souhaitons attirer des collaborateurs pour pouvoir rivaliser avec les grands acteurs. »


Trouvez-vous encore facilement du personnel ?

Dennis : « Ces dernières années, nous trouvons facilement des stagiaires. Quant aux perles rares, les candidats de 30 à 50 ans qui ont de longues années d’expérience… non, pas vraiment. C’est très difficile, car il n’y a pas de différences majeures entre les cabinets. Nous utilisons les mêmes logiciels de comptabilité et la législation fiscale est ce qu’elle est. Nous nous distinguons donc avant tout par notre bonne ambiance de travail. »

Ken : « Et nous ne nous en sortons pas mal du tout. Notre taux de roulement du personnel est nul. Bientôt, nous compterons 16 collaborateurs. »


Cela fait maintenant plus de trois ans que Ge-Fibo investit massivement dans la numérisation. Avec le recul, que feriez-vous autrement ?

Ken : « Certaines choses n’ont pas marché. C’est normal quand on fait des essais. Si la sauce ne prend pas, il faut savoir s’arrêter à temps. »

Dennis : « Nous testons d’abord les nouveautés auprès de certains clients qui sont prêts à faire des essais, ou sur nos propres dossiers. Nous ne sommes jamais en première ligne pour tester un programme, mais nous sommes toujours au poste de pilotage. Il y a peut-être une chose que nous ferions différemment : au début, nous avons trop vendu notre renouvellement numérique aux clients. Pour certains, la pression était trop forte et ils sont revenus à la comptabilité classique. Nos nouveaux clients sont toutefois tous numériques. » 


Y a-t-il encore beaucoup de clients qui remettent chaque trimestre leur boîte à chaussures ?

Ken : « Il y en a toujours. Il y en a qui ne veulent pas y renoncer. Cependant, nous remarquons aussi que les entrepreneurs deviennent eux-mêmes demandeurs de solutions numériques. Ils se rendent compte que quelque chose doit changer, car leurs propres activités commencent à en pâtir. » 

Dennis : « Les clients demandent de plus en plus à ce que les factures leur soient envoyées par courriel. L’État aussi devrait prendre des mesures à cet égard et obliger les grandes entreprises à envoyer des factures numériques dans un format déterminé. Cela faciliterait considérablement la comptabilité et ferait gagner beaucoup de temps. »


À quoi ressemblera la journée de travail idéale dans trois ans ?

Ken : « Nous serons moins souvent au bureau; nous choisirons plus librement où travailler. Il y aura plus de visioconférences, encore plus de contacts personnels avec les clients et qui sait, la réalité virtuelle pourrait faire son entrée dans le secteur. Le travail sera aussi beaucoup plus amusant, car il y aura moins d’accent sur le traitement comptable. Le secteur aura davantage besoin de personnes communicatives douée d’esprit d’entreprise, avec des soft skills bien développées et de bonnes capacités d’analyse. »


Comment faites-vous votre publicité ? Je vois par exemple que vous êtes actifs sur LinkedIn.

Dennis : « En étant présent sur les réseaux sociaux, seulement LinkedIn dans mon cas, vous vous créez une certaine notoriété de marque. Il est surtout important que vos propres clients fassent également savoir qu’ils collaborent avec un comptable axé sur le numérique. Le bouche-à-oreille fonctionne toujours et notre bonne localisation est aussi un atout. »

Ken : « J’espère que le monde extérieur nous apprécie avant tout pour ce que nous sommes. Au travail, je suis le même qu’avec ma famille et mes amis : authentique. »


Où puisez-vous l’inspiration nécessaire pour transformer votre cabinet ?

Ken : « Je lis énormément et je me rends régulièrement à des événements inspirants. »

Dennis : « Je trouve aussi qu’il est très utile de se coordonner avec d’autres collègues du secteur. »


Sont-ils ouverts à cela ?

Dennis : « En fait, nous sommes tous dans le même bain et nous n’avons plus beaucoup de secrets les uns pour les autres. Bien sûr, chacun a ses préférences en matière de logiciels de comptabilité et pratique des prix différents, mais sur le plan de la politique des RH, il y a peu de différences. Nous avons tous du mal à trouver du personnel. La plupart des comptables et des experts-comptables ont le même objectif, seule la façon de l’atteindre est différente. » 


Supposons qu’en tant que cabinet, il me reste encore un long chemin à parcourir dans le domaine de la numérisation et de l’automatisation. Par où dois-je commencer ?

Ken : « Tout commence par la cartographie de l’ensemble de vos processus. Il faut oser le changement et surtout, trouver les pionniers en interne, les personnes ouvertes à l’innovation. Pour les profils comptables classiques, le changement est parfois difficile. Nous sommes un peu autistes (rires). Si vous constatez qu’un petit noyau de votre cabinet fait des progrès, persévérez. Ge-Fibo l’a fait. Maintenant, plus personne ne veut revenir à l’ancienne façon de travailler. L’état d’esprit doit bien sûr être présent et les gérants doivent soutenir le processus. Certes, les logiciels ont un prix, mais le temps qu’ils vous feront gagner amortira cet investissement. Dernier point et non des moindres : le travail sera plus amusant. » 

Dennis : « Le contenu du travail va changer, mais le nombre de collaborateurs des cabinets de comptabilité n’ira pas en diminuant, au contraire même. »


Comment trouvez-vous le temps de vous préparer à l’avenir ?

Ken : « Il faut littéralement le prendre. Oser faire des choix, refuser d’autres tâches. J’ai reçu la marge de manœuvre nécessaire pour cela. »

Dennis : « Parfois, il faut faire un pas en arrière pour faire deux pas en avant. Investir purement et simplement dans son propre cabinet. Je trouve que les comptables ne le font pas assez. Nous sommes toujours en train d’aider les clients. Pourtant, nous ne pouvons pas nous permettre d’oublier que nous avons aussi une entreprise qui doit bien fonctionner. Et nous ne pouvons pas en faire payer le prix à nos clients. »

Ken : « Je suis prêt à partager mes connaissances avec d’autres comptables. Nous avons déjà parcouru un long chemin. Nous ne sommes pas des concurrents, au contraire : je trouve que nous devons nous soutenir mutuellement. C’est la meilleure manière de rester pertinents dans notre secteur. »



Merci, Dennis et Ken. Je vous souhaite beaucoup de succès.